Istanbul, c’est Byzance !

Ecrit par Solène TERISSE

Ville mythique à cheval entre l’Europe et l’Asie et berceau millénaire d’histoire et de tradition, la ville turque inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1985 continue encore de nous émerveiller. L’Istanbul d’aujourd’hui est complexe et passionnant : terre de contraste, de diversité et de paradoxes, la ville est à l’image d’une Turquie contemporaine en plein essor.

La métropole turque est le principal centre financier, commercial et culturel du pays et demeure, comme à l’époque de sa superbe, un immense lieu de rendez-vous. Son port, porte magistrale entre l’Orient et l’Occident est un formidable lieu d’échange et de commerce. Les uns derrière les autres, dans un ballet sans entracte, les bateaux du monde entier attendent de pénétrer dans le port. Il suffit alors de s’installer quelques heures sur la ballade de Kumkapi, aux côtés des pécheurs et des joueurs d’échecs pour rêver un instant des voyages de ces géants d’aciers. Au loin, le pont du Bosphore donne toute sa symbolique à la ville. Et au-delà, l’Asie, l’Orient, et des milliers de perspectives vers les chemins du Monde.

Istanbul c’est presque 15 millions d’habitants et une énergie électrisante.  Pourtant,  la vie s’y écoule doucement et personne ici ne semble vouloir la presser. Les habitants dégustent le thé à la pomme traditionnel  sur le coin d’un trottoir, ou sur les toits des voitures, parfois même au milieu des embouteillages, sans que rien ne puisse les déranger. Il règne chez les stambouliotes  une quiétude parfois déconcertante, que la bouillonnante cité ne semble faire qu’accroitre.  On prend alors le temps de vivre, de savourer la chicha, et de nourrir les chats qui déambulent par centaines dans les rues de la ville. Les habitants vivent la plupart du temps dehors, et même au cours des mois les plus froids de grands feux sont allumés dans des barils de ferrailles pour réchauffer les terrasses des quartiers historiques et populaires. Puis, jusque tard dans la nuit, résonnent encore les rires et les chants.

Le quartier de Sultanhamet est l’écrin historique et touristique de la ville : situé à la pointe de la corne d’Or, il regroupe sur quelques centaines de mètres les plus grands monuments d’Istanbul. On peut alors y visiter la Basilique Sainte Sophie, bijou d’architecture byzantine, transformée en mosquée dans la prise de la ville par les Ottomans. Plus loin, la « Mosquée Bleue », est l’une des plus célèbres mosquées d’Istanbul et du monde musulman et doit son nom à la faïence de couleur bleue qui recouvre ses murs. Enfin, le palais de Topkapi, ancienne résidence des sultans de l’empire Ottomans jusqu’au 19e siècle s’étend sur l’acropole avec ses remparts de 5km de long.

C’est aussi près de Sultanhamet, dans le quartier de Fatih que se trouve le « Grand Bazaar » un des plus vieux et plus grand marché couvert de Turquie : aujourd’hui très touristique, on y trouve une variété de cuirs, chaussures, bijoux et autres souvenirs tout en pratiquant l’art de la négociation. C’est en se perdant dans ce dédale d’allées et de passages que l’expérience prend tout son sens, et c’est aussi de cette façon que se font les plus belles découvertes.

La ville est le lieu des contrastes, et jongle habillement entre tradition et modernité. La jeunesse créative et ambitieuse fait souvent face à une arrière garde plus conservatrice, alors que les quartiers d’affaires et les centres commerciaux derniers cris côtoient des mosquées centenaires. Istanbul est une confrontation : entre passé et présent, entre Orient et Occident, et a appris au cours des siècles à chérir son passé pour mieux construire son avenir. Les quartiers les plus modernes sont souvent les lieux de rencontre d’une jeunesse branchée aux gouts empreint d’une forte occidentalité, tandis que les quartiers plus populaires sont teintés d’un exotisme plus prononcé où l’Islam et la culture orientale se font plus forts. Il faut alors s’imprégner de cette atmosphère singulière et pratiquer l’art du grand écart pour appréhender les spécificités de la communauté stambouliote.

Les quartiers de Galatasaray ou Tünel révèlent le visage de cette Turquie cosmopolite et contemporaine. La ligne de tramway Taksim-Tünel, longue d’environ 2km, a pourtant gardé son charme du début 19ème. Elle traverse l’avenue piétonne d’Istiklal, véritable artère de l’Istanbul « moderne » et donne tout son sens à la complexe relation passé-présent que la ville entretient avec sa propre histoire. Ainsi, dans ces rues millénaires, des hordes de stambouliotes se pressent dans des magasins d’enseignes très occidentales, et profitent des nombreux bars et restaurants branchés. A Karaköy, les amateurs d’arts pourront visiter l’« Istanbul Modern »,  LE musée d’art contemporain de la ville, et  profiter de prendre un café sur les rives du Bosphore.

Istanbul est aussi la ville du football, et la rivalité historique entre les clubs du Fenerbahçe SK, situé sur la rive asiatique de la ville et le Galatasaray SK, en face sur la rive européenne donne lieu à des rencontres brulantes les soirs de match. A l’origine différenciées à cause d’une distinction sociale entre les deux équipes, aujourd’hui, elles fédèrent les habitants et amateurs de football et font partie intégrante de la culture stambouliote.

Mais Istanbul n’est pas qu’une immensité urbaine ; au large de la ville, les Iles aux Princes sont un écrin au charme rétro loin de l’agitation de la ville. À 20 km au sud-est d’Istanbul, les îles demeurent une parenthèse de quiétude où les citadins et les touristes se rendent souvent pour une journée ou une après-midi afin de profiter des plages de galets et des multiples guinguettes situés sur les bords de la Mer de Marmara. Historiquement une sorte de « Deauville turque » les iles ont gardé leur caractère singulier, presque hors du temps, avec leurs demeures bourgeoises de tous styles et de toutes époques. Un détour à faire absolument si le temps le permet.

Une escale à Istanbul est avant tout l’occasion d’une rencontre dépaysante, pour nous, européens qui partageons des villes pour la plupart construites sur un standard bien occidental. Les journées y sont rythmées par  les chants du muezzin et chacun vit sa vie comme il l’entend, en équilibre entre deux rives, entre deux mondes qui finalement se complètent. Istanbul  alimente le contraste et écrit son histoire comme elle l’a construite : dans un grand écart habile, funambule et  ambitieuse de fédérer sans jamais négliger ce qui a fait sa force.

A ceux qui ont arpenté le dédale de ses rues, la princesse turque laisse un souvenir impérissable, et nombreux sont les voyageurs qui sont tombés sous son charme. Pourtant, la rupture n’est souvent qu’un au revoir  – et si tous les chemins menaient à Istanbul ?

« La vie ne peut être à ce point mauvaise. Mais, quoi qu’il en soit, on peut toujours, en fin de compte, aller marcher du côté du Bosphore » Orhan Pamuk, Souvenirs d’une ville

 

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